MIEUX CONCILIER PECHE ET CONSERVATION
En interagissant de façon responsable avec les cétacés,
les pêcheurs peuvent jouer un rôle essentiel dans la préservation de ces espèces
et participer ainsi à la préservation des ressources
et au maintien de la productivité des pêcheries.
Quel est le problème ?
Les pêcheurs et les cétacés évoluent dans le même environnement et partagent les mêmes ressources. Cette cohabitation n’est pas toujours sans difficulté. L’action de pêche peut occasionner des captures non intentionnelles de cétacés lorsque ces derniers déprédatent les lignes ou lorsqu’il s’enchevêtrent dans les engins de pêche. Or ces espèces sont protégées et jouent un rôle clé dans la structuration et l’équilibre des écosystèmes.
A La Réunion, la pêche palangrière pélagique est la principale concernée par ces risques. La déprédation par les cétacés à dents (les odontocètes) peut endommager ou faire disparaître les prises, ce qui peut occasionner un manque à gagner commercial substantiel.
Les eaux territoriales de La Réunion sont également une zone de reproduction prisée par les baleines à bosse de juin à octobre. La réglementation qui s’applique à leur protection concerne également les bateaux de pêche qui doivent être particulièrement vigilants à cette période de l’année.
Enfin, la gestion des déchets de pêche constitue aussi un enjeu important. Les enchevêtrement de cétacés dans les engins de pêche tendent à augmenter partout dans le monde comme l’ingestion des déchets en tous genres qui peut leur être fatale.
Réduire les impacts de la déprédation
Autour de La Réunion, plusieurs espèces d’odontocètes sont particulièrement impliquées dans la déprédation. Il s’agit principalement des “blackfishes" (Globicéphales tropicaux, pseudorques, orques, orques pygmées) et occasionnellement de dauphins (Dauphins de Risso, dauphins longs becs et dauphins tachetés pantropicaux, grands dauphins et grands dauphins de l’Indo-pacifique).
Au lieu de chasser les poissons sauvages comme elles le feraient naturellement, ces espèces prédatrices préfèrent manger les poissons déjà capturés sur les lignes afin d’économiser de l’énergie et obtenir facilement une grande quantité de nourriture nutritive.
Les odontocètes peuvent reconnaître les sons produits par certains bateaux. En identifiant la signature acoustique d’un bateau, ils peuvent le repérer et se diriger vers lui. Une fois à proximité de la ligne, les odontocètes utilisent leur système d’écholocalisation pour repérer plus précisément les poissons déja capturés.
Les odontocètes sont des mammifères sociaux très intelligents, capables d’apprendre et de transmettre des informations complexes. Une fois quelques individus acquis à la déprédation, ce comportement alimentaire peut se propager rapidement à l’ensemble d’un groupe ou d’une population en quelques années.
Prévenir la déprédation
- Communiquer sur les zones de déprédation pour éviter aux autres pêcheries de se déplacer vers une zone à risque
- Ne pas rejeter les restes de poissons et d’appâts à l’eau pour ne pas attirer les prédateurs
- Filer les lignes différemment : couper la palangre en deux; filer la ligne à 90° (forme coudée); poser une ligne sans hameçons en guise de leurre; alterner des baskets avec et sans appâts; utiliser ces méthodes alternativement
- Quitter la zone pendant la pêche (pour les bateaux qui pêchent près de leur port d’attache, rentrer au port après le filage afin de minimiser les bruits à proximité de la ligne)
- Réduire les bruits des bateaux en manoeuvrant en douceur pendant le filage et le virage. Ne pas changer fréquemment de régime de moteur. Réduire les bruits de mise en route au début du virage. Eteindre les lumières et couper le moteur entre la fin du filage et le début du virage en ligne.
- Eviter les zones avec plusieurs bateaux qui pêchent simultanément.
Faire face à la déprédation
- Avant le filage, si des odontocètes sont observés avant le début du filage, attendre qu’ils s’éloignent, retarder le filage ou changer de zone de pêche si possible (au moins 24h-48h de route sont nécessaires pour fuir efficacement les prédateurs
- Pendant le filage, si des odontocètes sont observés arrêter le filage et attendre qu’ils s’éloignent; couper la ligne et poser le reste plus loin
- Avant le virage, si des odontocètes sont observés, attendre qu’ils s’éloignent, retarder le virage ou au contraire accélérer pour virer la ligne
- Pendant le virage, si des odontocètes sont observés, attendre qu’ils s’éloignent, arrêter le virage ou au contraire accélérer pour les dépasser, couper la ligne pour en sacrifier un segment.
- Si un odontocète est pris au piège d’une ligne ou d’un hameçon, tenter de le rapprocher le plus possible du navire en évitant de tirer sur la ligne ou d’utiliser une gaffe qui pourrait le blesser; couper la ligne le plus près possible du bec du dauphin avec un outil tranchant.
Respecter la quiétude des baleines durant les périodes de reproduction
Depuis une vingtaine d’années, de juin à octobre, les baleines à bosse sont de plus en plus nombreuses à fréquenter les eaux réunionnaises qui constituent une zone de reproduction importante pour cette espèce emblématique.
Leur présence variable selon les années nécessite une attention particulière de la part de tous les usagers du plan d’eau. Une réglementation spécifique sur l’observation de ces animaux en mer existe pour tenter d’éviter les perturbations excessives sur les zones littorales où se concentrent tout particulièrement les individus en quête de tranquilité.
Si les pêcheurs ne sont pas directement concernés par la réglementation sur l’observation touristique, ils transitent néanmoins sur des espaces sensibles pour l’espèce, ce qui suppose une certaine vigilance.
Quels sont les menaces occasionnées par la pêche ?
- Qu’il s’agisse de bateaux de pêche ou d’autres navires, la présence de bateaux utilisant des moteurs bruyants ou des sonars peut perturber les communications entre les baleines et leur comportement reproductif.
- Les engins de pêche peuvent piéger les baleines, causant des blessures graves, des incapacités voire la mort. Les baleineaux, inexpérimentés, sont particulièrement vulnérables à ces enchevêtrements.
- La collision avec des navires peut constituer un risque d’autant plus grand que la vitesse est élevée.
- Les activités de pêche peuvent entraîner le rejet de déchets préjudiciables à la bonne santé des baleines et de leur progéniture.