La Réunion : retour sur 2 ans d’enregistrements acoustiques sous-marins
Dans le cadre des programmes DECLIC et PRIMO, soutenus par le FEDER (Europe) et la Région Réunion, Globice a deployé ces derniers mois deux hydrophones autour de l'île, l'un à 1,5 km au large de Saint-Pierre et à 300 m sous la surface de l'eau et l'autre sur le sommet immergé à 60 m de profondeur du mont sous marin La Pérouse, situé à 180 km au nord-ouest de La Réunion (voir la carte ci-dessous). Les enregistrements faits par ces micros sous-marin nous ont révélé quelques surprises : pas moins de quatre espèces de baleines, en plus de la baleine à bosse bien connue, sont présentes au large de La Réunion !
La bioacoustique passive est une méthode de suivi des cétacés utilisée depuis environ trois décennies. Elle nous permet, par l’écoute passive du paysage sonore sous-marin, de comprendre la répartition et les mouvements des cétacés, même ceux qui restent loin de nos côtes. Mais loin comment ? Eh bien, on estime que le chant des baleines bleues peut être entendu jusqu’à 150 km de distance. Le chant des petits rorquals Antarctique, quant-à lui, se propage sur un plus petit rayon, estimé à une quarantaine de kilomètres. C’est loin, oui, mais c’est chez nous quand même !
Les enregistrements faits par nos micros sous-marin nous ont révélé quelques surprises : pas moins de quatre espèces de baleines, en plus de la baleine à bosse bien connue, sont présentes au large de La Réunion ! Certes, on ne les voit que très rarement, car au contraire des baleines à bosse elles ont un comportement plus discret, plus solitaire, et surtout restent dans les eaux plus profondes, donc plus loin de nos côtes. Mais elles sont là, et bien là ! Notre hydrophone à Saint-Pierre a fait deux sessions d’enregistrement de 3.5 et 2.5 mois : d’août à novembre 2021 et de janvier à mars 2022, puis a enregistré pendant un an à partir du 25 mai 2022. En analysant ces 18 mois de données acoustiques, on y a trouvé le chant de baleines à bosse, évidement, mais aussi le chant de baleines bleues Antarctique, de baleines bleues pygmées, de rorquals communs ou encore de petits rorquals Antarctique !
Alors quand sont-elles là ? La baleine bleue Antarctique, la plus grande des plus grandes, migre, à l’instar de la baleine à bosse. Elle s’alimente en Antarctique pendant l’été austral, et remonte dans les eaux plus chaudes en hiver, pour la période de reproduction. Où exactement ? Et bien on ne le sait pas ! Elles n’ont pas d’aires de reproduction aussi bien définies que les baleines à bosses car elles sont solitaires. Mais on sait maintenant qu’elles remontent jusqu’à dans nos eaux. Elles arrivent en avril, et repartent vers la fin septembre.
La baleine bleue pygmée, quant à elle, ne fait que quelques mètres de moins que sa consœur. En revanche, elle ne descend pas jusqu’en l’Antarctique et reste dans les eaux subantarctiques et subtropicales. Les baleines bleues pygmées qui passent au large de La Réunion appartiennent à la population du Sud-Ouest de l’Océan Indien. On le sait car chaque population de baleines bleues pygmées a un chant bien distinct. On ne connait pas encore très bien ses mouvements, mais les enregistrements nous indiquent qu’elles sont dans la zone principalement d’avril à juin. Un peu plus loin, sur le mont sous-marin La Pérouse, situé à 180 km au nord-ouest de La Réunion et où est déployé notre second hydrophone, elles sont détectées à la même période, mais on les enregistre aussi en novembre.
Les rorquals communs, qui se positionnent en troisième place dans la catégorie des géants des mers, voyagent eux aussi entre les zones d’alimentation en Antarctique et les zones de reproduction, méconnues, dans les eaux plus chaudes. Certains passent par nos eaux, puisqu’on les y détecte de juin à octobre.
Sans surprise, les baleines à bosse sont enregistrées pendant l’hiver, mais on ne vous apprend rien. En revanche, on enregistre aussi les petits rorquals Antarctique. Poids léger dans la catégorie baleine, avec ses 10 m, le petit rorqual Antarctique a été vu à quelques rares occasions près de nos côtes. Il semble cependant qu’il soit bien plus présent que ce que l’on ne pensait puisqu’on le détecte dans nos enregistrements de juin à décembre, avec une présence plus forte en octobre, une fois que les baleines à bosse s’en sont allées. A La Pérouse, il est encore plus présent, car on le détecte plus de la moitié de l’année, de juin à fin janvier, avec une forte présence entre septembre et décembre.