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|12 février 2025

Retour sur 20 mois d’enregistrements acoustiques sur le mont sous-marin La Pérouse

Alors que les monts sous-marins sont de plus en plus menacés par la pêche à grande échelle, l’exploitation minière, et le changement climatique, ces oasis de vie en haute-mer sont des habitats importants pour diverses espèces. Il n’en est pas autrement pour le mont La Pérouse, que fréquentent donc au moins 6 espèces de mysticètes (cétacés à fanons), ainsi que des odontocètes (cétacés à dents), comme l'attestent nos enregistrements acoustiques.

Le mont sous-marin La Pérouse, aussi appelé le banc des 90 miles, se situe à 96 miles nautiques (environ 180 km) au nord-ouest de La Réunion. D’origine volcanique, il culmine à 58 m de profondeur et est bien connu des pêcheurs pour son abondance de poissons pélagiques. En 2019, une équipe de plongeurs biologistes a inventorié une biodiversité marine riche avec plus de 120 espèces identifiées. 

Pour Globice, cela signifie que cette zone riche présente potentiellement un intérêt particulier pour les populations de cétacés. Les suivis satellites obtenus en 2013 et 2022 lors des programmes Miromen ont d’ailleurs démontré que les baleines à bosse fréquentent ce mont sous-marin sur leur route vers Madagascar.


Afin d’en savoir plus sur les espèces de cétacés fréquentant la zone, nous avons déployé un hydrophone autonome sur le mont La Pérouse en mai 2021, pour un premier jeu de données acoustiques de 10 mois (mai 2021 – début février 2022). En août 2023, un nouveau déploiement a été réalisé, et l’hydrophone avait été récupéré lors de la mission MASC à bord du Marion Dufresne en juillet 2024, permettant d’acquérir 10 mois d’enregistrements acoustiques supplémentaires (mi-août 2023 à mi-juin 2024). Nous avons analysé manuellement les enregistrements afin de noter la présence ou l’absence de vocalisations de baleines par heure pour chaque jour. Nous obtenons donc des graphes représentant le nombre d’heures par jour durant lesquelles les signatures vocales de chaque espèce sont détectés.


Alors qui passe par là ? Et bien sans surprise, les baleines à bosse. On détecte leurs chants de la mi-juillet à la mi-septembre en 2021, qui rappelez-vous, était une saison très pauvre en baleines à bosse à La Réunion. Elles semblent avoir fréquenté un peu plus le mont La Pérouse, avec de nombreux jours où on les détecte 24h/24. Cependant nous ne pouvons pas savoir si plusieurs individus différents sont passés, ou si ce sont les mêmes qui sont restés chanter dans la zone durant toute la saison . En effet, pour le moment, nous ne sommes pas capables de différencier les individus par leur chant. En août 2023, les baleines à bosse nous avaient tenu compagnie lors du redéploiement de l’hydrophone, et elles l’ont saturé de chants jusqu’à la mi-novembre. Nous n’avons malheureusement pas le début de la « saison baleine à bosse » mais l’on voit bien qu’elle se termine plus tard qu’en 2021.

Nous avons également détecté une forte présence acoustique de petit rorqual Antarctique dans nos enregistrements. Cette baleine qui mesure de 8 à 10 m avait été enregistrée de juin à décembre par notre hydrophone déployé au large de Saint-Pierre, alors qu’on ne l’observe visuellement que très (très) rarement. Et les enregistrements du mont La Pérouse nous indiquent une très forte présence de l’espèce dans la zone, de juin à janvier, avec une intensification de la présence acoustique de septembre à décembre. Le mont La Pérouse est donc clairement un habitat important pour cette baleine très peu étudiée.


La zone est également fréquentée par des baleines bleues, ces géantes des mers dont on trouve 2 sous-espèces dans l’Océan Indien : la baleine bleue Antarctique et la baleine bleue pygmée, un tout petit peu plus petite. La baleine bleue Antarctique est détectée de mai à juillet, aussi bien en 2021 qu’en 2024. Cette sous-espèce se nourrit de krill en Antarctique durant l’été austral et remonte se reproduire dans les eaux plus chaudes durant l’hiver. Solitaire et préférant les eaux du large, il est extrêmement rare de l’observer visuellement. La baleine bleue pygmée, quant à elle, se divise en au moins 4 populations réparties dans l’Océan Indien et différenciables uniquement grâce à leur chant. Cette sous-espèce ne se nourrit pas en Antarctique et reste dans les eaux subantarctiques à tropicales, mais sa distribution et ses mouvements migratoires sont encore assez mal cernés. La population du sud-ouest de l’Océan Indien, appelée également baleine bleue pygmée de Madagascar, est fortement présente dans les enregistrements de nos 2 déploiements d’avril à juillet, et en moindre mesure de novembre à janvier. C’est avec surprise que nous avons également trouvé quelques chants de la population de l’Océan Indien Central (baleine bleue pygmée du Sri Lanka) en fin octobre et début novembre 2023, et un journée en décembre.


Enfin, nous avons également relevé quelques chants de rorqual commun, la deuxième plus grande espèce de baleine, en septembre, octobre et novembre 2023.

Les opérations nécessaires au déploiement et à la récupération des hydrophones sur le mont La Pérouse ont été financées grâce aux Fonds européens FEDER en ce qui concerne le programme DECLIC et par le Fonds Français pour l’Environnement Mondial (FFEM) et la Wildlife Conservation Society pour ce qui concerne le projet QWOI / mission MASC.